L’AVENIR EST À L’ÉCONOMIE DU DON
Publié le 12 novembre 2018 par Solidarités
Émergentes
L’anthropologue
Alain Caillé, dans ses travaux du laboratoire MAUSS (Mouvement
anti-utilitariste dans les sciences sociales), en hommage à Marcel Mauss et à
ses recherches sur le don, propose une (nouvelle) vision des rapports sociaux.
Il postule que le paradigme fondateur des relations sociales est en fait celui
du don, antérieur historiquement comme l’a démontré Marcel Mauss, puisqu’il est
la base d’échanges des peuples premiers et de ce fait précède les autres formes
mercantiles et marchandes qui ont suivi.
La spécificité du
don est qu’il permet à la fois de faire le lien et d’éviter les conflits. « La
triple obligation de donner, recevoir et rendre, constitue l’universel
socio-anthropologique sur lequel se sont construites toutes les sociétés
anciennes et traditionnelles. (…) Le don constitue le moteur et le performatif
par excellence des alliances (Alain Caillé) ». Il permet d’éviter les guerres et
entretient la paix entre les tribus, peuples, communautés. « Donner consiste à
prendre l’initiative dans l’échange ; recevoir suppose de manifester
explicitement la reconnaissance de la valeur du geste du donateur ; rendre
conduit à donner à son tour. Ces trois étapes sont les éléments d’un cycle sans
fin, donateurs et donataires occupant successivement une place puis l’autre. En
effet on n’est jamais quitte dans ce type de transaction : le principe
d’équivalence n’habite pas ces cultures. Le but de ces échanges n’est pas de
troquer des biens ou des services, mais de créer des liens (Norbert
Alter, Donner et prendre – La coopération en entreprise) ». C’est
l’inégalité entre les individus qui permet d’éviter le conflit, car s’ils se
perçoivent égaux, il y a alors risque de conflit, au sens de la rivalité
mimétique de René Girard. Le don comme les rites d’hospitalité « visent à
éviter une situation d’égalité entre l’étranger et la société hôte, égalité qui
est nécessairement source de rivalité et donc de conflit (Julian
Pitt-Rivers, Anthropologie de l’honneur – La mésaventure de Sichem) ».
Le don repose sur la
confiance, « l’approche par le don apporte l’observation que ces réseaux sont
des réseaux de confiance et de loyauté et que c’est par l’intermédiaire de l’acceptation
(ou du refus) du don/contre-don qu’ils se font (ou se défont). Aussi longtemps
que la confiance demeure effective, la coopération est possible et il se
produit alors un endettement mutuel positif, un jeu qu’on dirait aujourd’hui
gagnant/gagnant (Alain Caillé) ».
Avec la sociologie
anthropologie du don, on passe de la sociologie de l’individualisme
méthodologique, qui explique tout par l’intérêt individuel et la rationalité,
qui a constitué le cadre de référence des travaux de Michel Crozier (L’Acteur
et le Système) et qui correspond au paradigme moderne/postmoderne, à la
sociologie du holisme. Ce que décrivent Alain Caillé et les autres auteurs dans
la mouvance des travaux de Marcel Mauss avec son tiers paradigme, c’est un
retour aux pratiques des peuples premiers, pour lesquels les échanges reposent
sur le don : donner, recevoir et rendre, créant la dynamique sans fin, du lien
et des échanges sociaux, privilégiant la paix à la guerre et aux conflits (trop
coûteux), encourageant la confiance, la loyauté, la gratitude et reposant sur
un échange d’émotions positives nourrissant les relations sociales.
Christine Marsan
Extrait de l’ouvrage « S’approprier les clés de
la mutation », sous la direction de Christine Marsan, 2013, éditions
Chronique sociale, pp 187-189
Apprendre à l'autre à se servir d'un ordinateur est un don et non un troc
Exact, je l'ai vérifié au cours de ma vie : le prêt est une mauvaise chose, parfois on m'a remboursé et d'autres fois on a essayé de m’escroquer en échange. Cela ne crée pas de lien social. Le don oui, le don sans exigence de contrepartie, sans obligation formelle. en apparence gratuit, mais qui crée chez celui qui reçoit et l'accepte, un contexte psychologique qui implique qu'il vous le rendra selon ce dont il est capable avec bienveillance, et pour une valeur pour vous que vous pouvez juger plus importante que votre don initial. C'est un don qui en appelle un autre sans référence pécuniaire. Donc je ne prête plus, je donne (c'est un peu machiavélique puisque je sais comment cela fonctionne). Certains n'acceptent pas de recevoir un don sans négocier ce qu'ils appellent du "donnant - donnant, positif pour les deux parties" en prétextant qu'ils ne sont pas des mendiants. Ceux-là veulent rester dans le système économique du troc. A ceux-là, je ne donne pas, je m'éloigne d'eux et les oublie.
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